Seconde partie (Est éclair)
Avec trois défaites d’entrée, l’Estac est dernière de L2…
On est serein. Je ne dis pas ça par stratégie mais c’est vraiment ce que l’on ressent au sein du club. On est calmes car on connaît les contextes, on a l’expérience de situations comme celle-ci. Le club l’a vécue, je l’ai vécue, Stéphane (
Dumont) l’a vécue. On ne panique pas, on sait que ça va tourner dans le bon sens. On en est convaincus car quand on est sains et qu’on travaille du matin au soir, les choses finissent par tourner. On a zéro point mais on considère qu’on a fait ce qu’il fallait pour prendre un point contre Clermont et contre Ajaccio. Mais vous avez vu que des faits de jeu et des décisions arbitrales n’ont pas été dans notre sens. Mais on estime être sur la bonne voie, dans le contenu, dans l’état d’esprit. Vous, les supporters ou ceux qui aiment ce club ne se basent que sur ces trois matches ; nous, on voit ce qui se fait tous les jours à l’entraînement. On est beaucoup mieux qu’il y a quelque temps. On finit de manger notre pain noir et le pain blanc va vite revenir. Il y a des signes.
Quels signaux ?
Déjà, le sourire des joueurs quand ils arrivent le matin, l’ambiance dans le vestiaire, la gaieté des différents staffs. Sur le terrain, on voit des connexions. Ce n’est pas facile à percevoir, mais il faut avoir été à leur place pour faire le constat qu’on est sur la bonne voie.
Vous évoquez le climat en interne. Comment dissipez l’atmosphère morose en externe ?
Déjà, c’est légitime : depuis deux ans, on peut dire que les gens en ont bavé. Ce n’est pas facile de vivre deux relégations consécutives. Il y a eu des mauvais résultats, la façon de jouer n’a pas été extraordinaire. Quand on aime le foot, un club et qu’on n’est pas satisfait à chaque match alors que ça devrait être un spectacle, on peut comprendre la frustration. Nous, on veut rassurer les supporters, on se met à leur place. Il n’y a que les résultats qui leur permettront de se dire qu’on est dans la bonne direction. On en est conscients, on leur demande d’être patients.
Vous souhaitez une équipe conquérante. Elle l’a été pendant vingt minutes à Guingamp puis elle a été rattrapée par sa réalité… Le projet de jeu que vous espérez va mettre du temps à se mettre en place ?
Ça va prendre du temps, d’autant plus que Stéphane est arrivé en cours de route. Il connaît maintenant ses joueurs, il est content des nouveaux profils. Il est plein d’envie, a plein d’idées. Comme dans tout projet, il va falloir du temps. Il a déjà fallu retravailler les têtes, maintenant les corps, la complémentarité.
Dumont aura donc du temps pour imprimer sa patte ?
Oui, surtout avec le contexte dans lequel il est arrivé. On peut reprocher à des clubs de se débarrasser rapidement de leurs entraîneurs ; là, ça ne sera pas le cas. On est convaincu d’avoir un entraîneur avec l’état d’esprit et les principes de jeu qui nous et me correspondent. Quand je vois ce qu’il se passe à l’entraînement, je peux vous assurer que l’équipe est entre de très bonnes mains.
Quelle est la feuille de route cette saison ? Uniquement le maintien ?
Il nous faut déjà retrouver un état d’esprit de « fighting spirit », sans que cela ne soit réducteur. J’aime bien ce mot « conquérant ». Avec ou sans ballon, on doit être en alerte, être tous concernés. Sans ballon, on veut collectivement aller récupérer le ballon dans les pieds de l’adversaire. On ne court pas que quand on a le ballon, on court les uns pour les autres… Tout ça, c’est un état d’esprit. C’est “je veux” ou “je ne veux pas”. On travaille beaucoup là-dessus. En retrouvant ces bases, la saison sera bonne.
Et au classement ?
On ne peut pas se donner d’objectif de place, dire qu’on va finir dans le milieu de tableau ou ailleurs. On sait qu’en ayant ces fondations, la saison sera bonne. Après, dans le football, tout est possible. Il faut prendre en compte qu’il y a eu beaucoup de départs, pas mal d’arrivées, un nouvel entraîneur. Il faut que la mayonnaise prenne. On ne va pas être trop exigeants non plus, mais il nous faut retrouver cet esprit, pour nous et pour que les gens viennent au stade. En voyant l’attitude des joueurs, les supporters doivent être contents d’être au stade, même si on perd 1-0 sur un match. Les gens ressentent quand les joueurs ne trichent pas.
Le paradoxe de l’Estac la saison dernière, c’est d’être descendue avec l’un des plus gros budgets du championnat. Cette année encore, le budget troyen est supérieur à trois quarts des autres clubs. Vous décorrélez le budget des ambitions sportives ?
C’est relatif. On assimile l’Estac au City group : City group argent, donc Estac argent. Je peux vous dire que ce n’est pas le cas. Quand on est intéressé par un joueur, je dis aux agents de ne pas venir m’attaquer sur des montants deux fois supérieurs à ceux de Rodez, Annecy on Grenoble. On est un club de Ligue 2. L’une de mes missions, c’est de rendre compte de cela à tout le monde.
Vous subissez cette forme de chantage ?
Si l’agent me demande un salaire qui ne correspond pas, je vais sur un autre profil. Car cela signifie aussi que l’agent ou le joueur fait de sa venue à l’Estac une question d’argent. Je ne veux plus de ça. Le joueur doit venir car il veut jouer pour ce club. Cela me permet de cerner les personnalités. Si un joueur vient avec un salaire dans les normes de la Ligue 2, c’est qu’il a envie de venir jouer pour l’Estac. Ça me conforte dans l’idée de m’intéresser à lui. Je suis capable de ne pas signer un joueur talentueux si je sens qu’il est d’abord intéressé par le contrat. Je préfère un joueur moins doué mais qui a une attitude irréprochable et sur qui on peut compter toute la saison.
Ce qui vous fera dire que votre première mission est réussie, c’est de voir des spectateurs contents de venir au stade?
Ce sera la conséquence de ce qu’on verra sur le terrain. J’ai besoin de voir des joueurs qui courent, ça correspond au joueur que j’étais à Lens ou en Angleterre, avec un football intense, non-stop. Il ne faut pas rechigner à l’effort, être courageux, faire un repli de 40 mètres... C’est en moi, et cela n’empêche pas de s’exprimer techniquement, de marquer, de faire marquer comme j’ai pu le faire. Quand j’étais joueur, que je gagne 10000, 50000 ou 100000, je me disais que sur le terrain, je ne pouvais pas décevoir en termes de comportement, vis à vis des gens qui paient parfois une fortune pour venir nous voir jouer. On peut louper une passe ou un contrôle mais on n’a pas le droit de se louper dans l’attitude.